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La Tumba Francesa

Née d'un échange mutuel entre les rythmes africains des esclaves et les danses de leurs maîtres européens

C'est un type de danse, de chant et un jeu de tambours cubains. Les représentations consistent en des séquences de chansons et de danses de 30 minutes, se prolongeant généralement tard dans la nuit.

 

Un peu d'histoire...

Le 14 août 1791, Haïti n'existe pas encore. Française, l'île entière a pour nom Saint-Domingue. Au son des tambours vaudous, embrasée par la Révolution française, la révolte des esclaves explose, provoquant l'exil des premiers planteurs.

Trois ans plus tard, en 1794, la Convention abolit l'esclavage dans les colonies. Environ 30000 colons français fuient vers Cuba, souvent accompagnés de ceux qui veulent encore les suivre, esclaves domestiques et main-d'oeuvre importée d'Afrique.

Ils se réfugient principalement à l'est de l'archipel. Santiago de Cuba, Guantanamo, Cienfuegos et Matanzas. Ils amènent avec eux la culture du café (ils fondent des plantations) mais aussi leurs danses et leurs musiques européennes (Contredanse, Menuet, Gaceste, Rigodon, Carabiné...).

 

En 1804, le rétablissement de l'esclavage décidé par Napoléon provoque la révolution haïtienne et la partition de l'île. Le rythme de l'exode s'accélère. Les Français occupent les pentes de la Sierra Maestra, encore vierges. Ils y créent des plantations de café à l'image de La Isabelica, vaisseau amiral d'un ensemble de 56 plantations franco-haïtiennes disséminées dans la montagne, unique au monde et pour cette raison classé par l'Unesco.

Les propriétaires émigrants d'origine française pratiquent un traitement plus humain à leurs esclaves. Ils diminuent les punitions corporelles, ils permettent la pratique de leurs traditions haïtiennes, spécialement les danses et les fêtes, et ils favorisent le rachat de leur liberté. Les esclaves ont la permission de pratiquer leurs traditions et les rites haïtiens durant les fêtes de célébration des saints.

 

La Tumba Francesa née d'un échange culturel à double sens entre la culture africaine des esclaves et celle des maîtres européens.

Il y aurait une volonté des esclaves, pour la plupart du golf du Bénin, d'imiter et de reproduire les danses et les chants qu'organisent leurs maîtres dans les salons de danse. Au début, plus par moquerie et dérision de la classe blanche. Puis, les maîtres commencent à comprendre et se rapprochent davantage de cette Tumba Francesa poussés par la curiosité et l'admiration de voir leurs Noirs danser comme eux, avec la cadence et l'élégance des danses françaises, mais au rythme de leurs tambours et instruments africains. Ils encouragent alors les esclaves en leur donnant des vêtements élégants (châles fins pour les épaules, foulards de soie appelés fulá ou madrás noués sur la tête, robes ornées de dentelle multicolore, chemises à jabot, gilets...) conçus par les meilleures couturières françaises ainsi que des bijoux (colliers, boucles d'oreille...).

 

Beaucoup d'esclaves obtiennent leur liberté et s'organisent en différentes sociétés, parmi lesquelles « la Société de Tumba Francesa Lafayette » apparue en 1862, en honneur au général français. Renommée la Caridad de Oriente en 1905, elle a été déclarée par l'UNESCO chef d'oeuvre du Patrimoine Oral et Immatériel de l'Humanité

Ces sociétés de Tumba Francesa sont organisées suivant un modèle hiérarchique précis avec un roi, une reine, leur cour, un mayor de plaza (maître de cérémonie qui dirige la succession des pas de danse au son de son sifflet)...

 

Les costumes

Les danseurs et les chanteurs, principalement des femmes, portent de longues robes de style colonial avec sur la tête des foulards africains et dans la main des écharpes colorées. Elles portent également des châles fins, des mouchoirs de soie, des colliers...

 

La danse

Les mouvements suivent ceux des danses de salon, où la femme et l'homme se déplacent avec cadence, douceur et élégance, sans lever les pieds du sol. Les danses sont exécutées sous la direction du Mayor de Plaza. Des pas de cette danse ont pour nom babú, grasimá, jubá, masón.

 

Aujourd'hui, seuls deux des nombreux styles de danse de Tumba Francesa sont encore régulièrement exécutés : le masón, parodie espiègle des danses de salon françaises et la yubá, danse improvisée sur des rythmes de tambour frénétiques.

 

Le chant, les instruments

Les représentations s'ouvrent généralement par un solo en patois espagnol ou français (ou créole) interprété par le chanteur principal, le composé.

À son signal le catá, un grand idiophone en bois, entame un rythme endiablé repris par trois tambours appelés tumbas. Ces instruments frappés à la main, ressemblant aux congas modernes avec un diamètre plus large, sont fabriqués dans un morceau de bois creux d'un seul tenant et ornés de motifs gravés et peints.

 

Les trois tambours sont nommés tambú ou bulá :

  • tambour premier (mamier ou premier bulá ou redublé) est le tambour principal au son aigu ; joué par le momamier
  • le second bulá (secondier, bébé, catá cantora, ou maruga), de taille plus petite, est joué par le bulayé
  • la Tambora ou requinto joue les rythmes mazón, et tahona ou tajona (ancienne forme du défilé carnavalesque d'oriente).

Les chanteurs soutiennent le rythme avec des hochets en métal (chachás).

 

La popularité de la Tumba Francesa a atteint son apogée à la fin du XIXe siècle. Jusqu'à aujourd'hui, cette tradition culturelle a su préserver ses valeurs fondamentales et trois ensembles continuent à la maintenir vivante.

 

Sources :

  • http://www.unesco.org/culture/ich/fr/RL/la-tumba-francesa-00052
  • http://www.lemonde.fr/voyage/article/2011/03/18/tumba-francesa-a-la-source-des-musiques-cubaines_1493029_3546.html
  • http://www.juliensalsa.fr/musique-cubaine-tumba-francesa.php
  • https://fr.wikipedia.org/wiki/Tumba_francesa
14 Mar 2017