Les fiches IROKO

Des Yoruba-Lucumi à la Règle d'Ocha

les danses pratiquées à Cuba tirent une partie de leurs racines dans les traditions et cultes religieux importés par les esclaves africains, notamment les Yoruba

Yoruba, une population et un culte

Les Yoruba sont les populations africaines vivant au Nigéria et parlant la langue yoruba. En dehors de leur langue commune, ces populations sont unies par un culte et des traditions originaires de la ville d'Ifé. Les Yoruba ne sont pas une entité nationale ou politique unique, ils sont constitués de plusieurs groupes gardant des spécificités culturelles et même des dialectes propres. Les descendants des esclaves yoruba sont appelés Lucumi à Cuba. Le Lucumi est aussi la langue yoruba telle qu'elle est parlée à Cuba par les initiés de la Règle d'Ocha.

Règle d'Ocha (ou Santeria)

La Règle d'Ocha est la religion Yoruba apportée à Cuba par les esclaves Lucumi originaires du Nigéria (Afrique) lors de la colonisation où elle a donné naissance à des systèmes locaux syncrétistes. Les orisha Yoruba-Lucumi ont des équivalents catholiques donnés par les esclaves pour se protéger et faire perdurer leurs cultes religieux face aux colonisateurs. Avec le temps, on a identifié un orisha avec son correspondant saint catholique mais, évidemment, il ne s'agit pas de la même divinité, lequel varie selon les régions de l'île. A Cuba, cette religion s'appelle aussi Santeria.

Les orisha sont aussi appelés saints. Ce sont les saints du panthéon yoruba-lucumi. Ils sont 16, nombre sacré dans le culte d'Ocha. Ils sont les intermédiaires entre Olofi, l'Etre suprême et les hommes.

Chaque orisha à plusieurs manifestations (les orisha dans la Règle d'Ocha ont plusieurs incarnations. Ils se manifestent sous des aspects physiques différents, avec des caractères psychologiques et des noms différents). Ils prennent possession des fidèles et parlent à travers eux et à travers les prêtres (Babalawo) et les prêtresses (Iyalocha), ils expriment ainsi leur volonté.  Les Prêtres ou prêtresse de la Règle d'Ocha peuvent pratiquer un système de divination avec des coquillages (cauris), le Diloggun.

Les orisha vivent dans les plantes, les animaux, l'eau, partout dans la nature. Chaque orisha a ses objets du culte, sa couleur, son emblème, ses prières, ses offrandes et ses sacrifices préférés. Pour obtenir leur protection, pour calmer leur colère, pour éviter un châtiment, les fidèles doivent leur rendre un culte assidu.

Ils se matérialisent dans les pierres sacrées (Otan) que les fidèles vénèrent. Chaque orisha a sa pierre sacrée. Les fidèles gardent leur otan chez eux dans une soupière. Ce sont les pères ou les mères  de saints qui les donnent aux initiés. Ces pierres demandent beaucoup de soins. On garde les objets de culte des orisha à côté de la soupière contenant l'otan et on pose sur le couvercle de la soupière le collier aux couleur de l'orisha. Les pierres se transmettent héréditairement. S'il n'y a pas d'héritier, elles sont entérées.  Elles sont consacrées par le babalawo.

Les initiés de la Règle d'Ocha sont ceux qui ont passé toutes les épreuves de l'Initiation qui les élève au rang d'omo Orisha (fils élus d'un saint), d'iyawo (d'épouse d'un saint, de prêtre ou de prêtresse), ils ont 2 noms. Un nom chrétien espagnol qu'ils reçoivent lors de leur baptême et un nom africain que leur donne l'orisha (l'ange, le fondement) qui les a choisis et qui ne doit en aucun cas être divulgué. L'Initiation dure 7 jours. Osain a une importance capitale dans l'Initiation car il donne les plantes de chaque divinités et pour faire l'omiero de chaque Initiation, l'eau bénite et régénératrice. L'Osainiste (l'herboriste) reçoit un tribut, le droit d'ewe pour cueillir les plantes et le babalawo, un tribut pour les bénir. Les 21 principales herbes doivent être présentes. (101 normalement exigées mais difficiles voire impossible à réunir). La cérémonie se déroule sous plusieurs étapes faites de chants et de prières.

Plusieurs expressions sont utilisées "le saint monte quelqu'un", "tomber avec le saint"... signifie qu'un esprit ou qu'une divinité prend possession d'un corps et agit comme s'il en était le maître. Dans la Règle Lucumi (= Règle d'Ocha), on appelle "cheval" ou "tête de saint", celui en qui s'est introduit un Orisha. Après la personne ne se souvient pas de ce qu'elle a dit ou fait. Elle a la tête vide, transpire beaucoup  et ont très soif et faim.

Il y a des fêtes ou cérémonies où l'on joue du tambour en l'honneur des Orisha. Ce sont les Batas.  C'est aussi le nom de l'ensemble des 3 tambours en bois et en peau, de forme similaire mais de grandeurs différentes et de dimensions différentes à chaque extrémité. Le plus grand s'appelle Iya, le moyen, itotele et le plus petit okonkolo. Ils sont portés en bandoulière par les musiciens (olubata) qui les frappe avec les mains, la membrane la plus grande étant dirigée vers la droite et la plus petite vers la gauche.  C'est avec ces tambours qu'on appelle les dieux. Chaque dieu a son rythme. Le rythme et le son sont très importants dans les transes.

Il peut y avoir une Apwonla qui appelle les saints et entonne les chants rituels dans les cérémonies d'Ocha.

Les Bembé sont les fêtes et les danses en l'honneur des Orisha.

Très important dans la Règle d'Ocha, toutes les cérémonies sont accompagnées d'une offrande.  Les Ebbo sont les offrandes ou les sacrifices rituels que l'on fait à une divinité pour la remercier, pour calmer sa colère, pour éviter une disgrâce, pour conjurer la maladie ou la mort, pour modifier un destin, pour s'attirer la chance ou la fortune, pour obtenir une grâce ou un avantage quelconque.... Cette offrande est toujours précédée d'une purification.

Les Orisha:

Aggayu : maître de la savane.

Représenté par une tête de bouc. Chango et Aggayu se respectent mutuellement. Son collier comporte une perle blanche, 9 rouges et 8 jaunes, ainsi de suite.... Son équivalent catholique est St Christophe.

Ayao :

soeur d'Oya

Ayé: patron des épidémies et des maladies.

Il a le pouvoir de guérir mais il punit aussi par la maladie. Charitable avec les pauvres, son collier a des perles bleues rayées de blanc ou grises rayées de blanc. Son équivalent catholique est St Lazare.

Chango :

querelleur, il aime les femmes, il est devin, prince et roi. C'est un des dieux les plus respectés dans la Règle d'Ocha. C'est le roi vainqueur des batailles. C'est aussi le Dieu du feu,  maître du tonnerre et de la foudre. Il siège dans le Palmier Royal. Il porte un collier de perles rouges et blanches.  Il est aussi maître des tambours. Fils d'Obatala. Chango se battait en lançant des éclairs, il portait une massue, un hâche, un couteau en forme de demi-lune.  Chango est colérique, a 3 femmes Obba, Oshun et Oya. Obba, sa femme légitime, patronne des cimetières, Oya, sa maîtresse a aussi des liens avec les cimetières et Oshun son autre femme côtoie aussi parfois la mort. Son équivalent catholique est Ste Barbe.

Le Palmier Royal

Le Palmier Royal est aussi important que le Fromager. La foudre s'abat chaque année de nombreuses fois sur les Palmiers d'où son lien avec Chango. Le fruit du Palmier est très utile pour les éleveurs de cochons entre autre. Ses racines contiennent une eau curative en décoction qui soignes les maladies des reins. Le fruit est aussi utilisé pour faire des maléfices.... La fleur du Palmier ouverte peut guérir. On peut aussi en faire une huile. Les palmes vertes  peuvent servir à recréér la fôret dans les patios ou à faire des costumes.  On peut les utiliser pour les toits des cases.

 

Dada :

Soeur ainée de Chango. C'est elle qui l'a élevé. Elles habite les cimetières. Son équivalent catholique est Notre Dame du Rosaire.

Eleggua : patron et gardien des portes et des chemins, gardien des carrefours, des croisements.

Il détient les clés du destin. Espion et messager des dieux, il est toujours prêt à faire une espiéglerie de par son caractère d'enfant révolté. Il est gourmand et glouton. Il adore danser. C'est toujours le premier orisha que l'on salue. Eleggua et Eshu ne font qu'un. C'est le même orisha. Il y a 21 manifestations. Le collier est rouge et noir ou blanc et noir ou tout noir. Dans les maisons, Eleggua est représenté par une tête taillée dans la pierre, monte la garde avec des yeux de coquillage, caché dans une niche près de la porte et dont on prend soin avec ses offrandes respectives. Ses équivalences catholiques sont  l'enfant Jésus, St Antoine de Padoue et St Rock.

Ibeye :

Orisha jumeaux, fils de Chango, vivent dans les palmiers. Protecteurs des prêtres et des maisons. Ils sont très puissants pour attirer l'argent. Représentés l'un en bleu, l'autre en rouge. Leur équivalence catholique sont St Cosme et St Damien.

Inle :

vit dans les eaux, attaque avec la folie et les maladies mentales. Il est très sévère. Ses cérémonies se passaint dans le fleuve. Son équivalent catholique est St Raphaël.

Obatala : Créateur

dieu de la blancheur. Olofi, le Créateur du monde et du genre humain, crééa Oddua et Iyémmu, le premier couple d'Obatala qui engendrèrent tous les autres orisha. Obatala est donc à la fois, le père et la mère de tous les saints.  Ses équivalences catholiques sont Notre Dame de la Merced, Jésus de Nazareth, la Ste Trinité.

Ochosi : dieu guerrier, chasseur, médecin et devin.

Il a 7 manifestations. Son collier est intercalé de perles vertes et noires. Son équivalent catholique est St Norbert.

Oggun : Dieu de la guerre et maître du fer.

Il intervient dans toutes les cérémonies. Le collier qu'il porte a 7 perles marrons et 7 noires en alternance ou vertes claires et noires. Ses équivalent catholiques sont St Pierre, l'archange St Michel.

Oko : maître des champs semés, des terres cultivées.

Il fait fonction de juge et de médiateur entre les autres orisha. Son équivalent catholique est St Isidore.

Olofi, Olorun, Olodumarre: Créateur, Etre Suprême à l'origine de tout,

maître du Cosmos. Il a laissé le pouvoir à son fils héritier Obatala. Il ne participe pas à la vie terrestre. Il est isolé du monde qu'il a créé et indifférent à la vie humaine. On ne lui fait pas d'offrandes ni de sacrifices.

Orumila, ou Orula : devin suprême.

Il siège sous le Fromager. Son collier est vert clair et jaune. La table de divination lui appartient. Son équivalent catholique est St François D'Assise.

Le Fromager (Ceiba ou Iroko)

C'est l'arbre sacré. On ne le coupe pas et on ne le brûle pas sans avoir fait une offrande ou un sacrifice, sans avoir consulter les orishas et prit des précautions avant. Il est éternel. Il appartient à Obbatala.

Le Fromager est un saint nommé "Iroko" (c'est un arbre et un saint). On danse en son honneur en tenant un bâton orné de colliers et un balai agrémenté de perles rouges et blanches. On lui fait des offrandes, des dons. Il protège tout le monde sans distinction. L'urubu est un oiseau vénéré aussi. Il n'a pas de plumes sur la tête. C'est un charognard qui va se lamenter sur les Fromagers. Les santeros sont tenus de le nourrir. 

Le Fromager ne créé aucun déchet. Il n'y a jamais de feuilles mortes autour. Ses fleurs, les Kapok sont dispersées avec le vent. On en remplit des oreillers. Il est raconté qu'on peut faire des rêves étranges et prophétiques. Sa "sueur", l'eau qui s'est déposé dans ses cavités entre ses racines, est curative. Les sacrifices et les fêtes accompagnés des tambours en l'honneur d'Iroko sont très solennels.

 

Osain : divinité des plantes médicinales et lithurgiques. Maître d'ewe (plantes) et de la forêt, de la végétation.

Il est le détenteur des secrets et des vertus des plantes.  Egalement maitre des tambours avec Chango. Ses équivalent catholiques sont St Antoine Abate ou St Sylvestre.

Oshun :

intervient dans les histoires d'amour, patronne de Cuba. Déésse des fleuves et de l'eau douce et de la fertilité. Son collier est fait de perles jaunes transparentes (couleur de l'ambre) et rouge si elle se croise avec Chango, ouvertes si c'est avec Orula, etc... Son équivalent catholique est la Vierge de la Caridad del Cobre.

Oya : Déésse de la guerre,

inséparable de Chango, elle combat à ses côtés. Maîtresse des tempêtes, des éclairs et des vents. Son collier est fait de perles grenat rayées de blanc et de noir. Ses équivalents catholiques sont Ste Thérèse de l'Enfant Jésus, Ste Thérèse d'Avila.

Yémaya: déésse de la mer et de l'eau salée et de la maternité.

Elle a élevé tous les enfants d'Oshun sa soeur. Elle a 7 manifestations. Son collier est fait de perles transparentes bleues marines et blanches. Son équivalent catholique est Notre Dame de la Regla.

 

 A lire:

  • La forêt et les dieux de L. Cabrera (Ed. Jeanmichelplace)
23 Déc 2016